Nouakchott, le 21-10-2009, Biladi - Lors de sa réunion du 15 octobre dernier, le gouvernement a entendu une communication du ministre de la Fonction publique et du travail, Dr Ba Coumba, relative au processus de réintégration des agents de l’Etat victimes des événements de 1989. La nouvelle démarche des autorités consiste à mettre en place «un dispositif de régularisation de la situation administrative» des fonctionnaires victimes des événements de la fin avril 1989, notamment «à travers la réalisation d’un recensement exhaustif avant la fin de l’année en cours».
Un objectif dont la réalisation rapide pourrait constituer un nouvel espoir pour une solution globale de la lancinante question relative au statut de dizaines de milliers de citoyens, dépouillés de tous leurs biens et de leur identité (pièces d’état civil) expulsés vers le Sénégal, pour une vingtaine d’années d’une interminable errance. Un drame de l’histoire récente de la Mauritanie, dont le souvenir douloureux plombe encore l’unité nationale, en dépit de liens séculaires de sangs, de culture et de religion tissés entre les différentes composantes ethniques et sociologiques du pays. En fait, au-delà du cas très visible des agents de l’Etat, de nombreux autres citoyens mauritaniens ont été touchés par la folle bourrasque, dont le point de départ fut un certain lundi 24 avril 1989, de triste mémoire pour les populations de part et d’autre du fleuve Sénégal. Ainsi, au sein de cette population on retrouve des paysans ayant perdu leurs terres, confisquées par d’autres citoyens avec l’appui de la puissance publique, ou simplement la complicité individuelle de certaines autorités locales, des travailleurs des établissements publics, du secteur privé, de l’informel….. La communication en conseil des ministres du jeudi 15 octobre 2009 annonce la réintégration déjà effective de 144 agents. Une question cruciale dont le règlement avait été rendu impossible par l’attitude négationniste du pouvoir de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Un régime que la postérité retiendra comme l’auteur d’un véritable crime contre l’unité de la nation, que sa cécité politique et son manque de sens de l’opportunité ont maintenu dans un entêtement qui aura duré jusqu’à son écroulement, à la suite de la révolution de palais du 3 août 2005.
La chute du régime du régime de Ould Taya, suivie de l’avènement de l’ère du Conseil militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), du colonel Ely Ould Mohamed Vall, par ailleurs ancien directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) n’apporta guère d’évolution notable dans la reconnaissance de l’urgence du règlement de la question des déportés- différé pour des urgences liées à la bonne conduite du processus électoral de transition. La fin de ce dernier, couronné par l’élection à la présidence de la République de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, marque un tournant décisif dans la perception de la question des déportés.
Difficultés de recensement Reconnaissance des torts faits à une composante nationale, et promesse d’un retour organisé dont la suite est le rétablissement de toutes les victimes dans leurs droits. Le processus promis est entamé le 28 janvier 2008, avec l’arrivée du premier contingent de réfugiés à Rosso, sur la base d’un accord cadre entre les gouvernements de la Mauritanie, celui du Sénégal et le Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR). Allant dans la même direction, le régime de la rectification putschiste, désormais pourvu de légalité constitutionnelle depuis le 18 juillet 2009, suite à l’élection de Mohamed Ould Abdel Aziz, a enregistré dimanche l’arrivée d’un nouveau contingent de réfugiés de 260 individus. D’où un total d’environ 13.000 déportés rapatriés au pays. Toutefois, pour rétablir les agents de l’Etat et les autres dans leurs droits légitimes, le gouvernement doit disposer d’indications précises sur leur nombre. Une étape difficile à franchir dans la mesure où quelques dizaines de milliers de réfugiés ont regagné la Mauritanie « dans l’indifférence générale des autorités », constate le Forum National des Organisations de Défense des Droits de l’Homme (FONADH), un collectif d’ONG. Cette organisation cite un chiffre de 38.000, en se référant au HCE qui parle lui-même de 40.000 personnes. Pour vaincre les difficultés liées au recensement de la population de réfugiés rentrés individuellement au cours des années 96, le forum propose ses services, et prône l’implication des associations de victimes. Seul moyen pour éviter de nouvelles frustrations chez des hommes et des femmes qui ont tant subi au cours des vingt années écoulées. Tel est le souhait de plusieurs anciens déportés, qui préfèrent encore toucher du bois chaque fois qu’une issue pour leur calvaire est évoquée dans les cercles du pouvoir. Cheikh Sidya. |